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La représentation du stress au travail

Aujourd’hui, le stress au travail est devenue un réel symptôme. Or, le travail est il seul en cause ? Peut on aller plus loin dans la réflexion ?

Entre la vie professionnelle et la vie privée, il y a une coupure qui permet de changer de rythme, de lieu, de contexte et même « d’identité ». Nous sommes dans une société moderne et d’après le Vocabulaire de psychosociologie, ce constat amène la personne à vivre des situations différentes, avec des statuts différents et jouer des rôles sociaux différents (2002, p.179). Cette théorie rejoint celle de Goffman, dans son œuvre : La mise en scène, il explique que la personne a des comportements différents selon le contexte et la personne qui est en face de lui. Ainsi devant des amis ou des supérieurs les réactions et les façons de faire vont être différentes.


Cependant je dois ajouter que l’activité professionnelle est intimement lié à de nombreuses de nos identités. Elle forme un tout et correspond à l’identité sociale instaurée dans la norme.

La première chose que l’on demande à une personne est bien : « Et vous, que faites vous ? », sous entendu ; « Que faites vous comme travail ? »

C’est d’abord l’interprétation de la personne sur l’expérience qu’elle est en train de vivre qui va donner sens à ce qu’elle fait.

La projection personnelle s’appuie sur ces interprétations, C’est donc la personne influencée par son environnement proche et aussi par la norme sociale qui va l’aider à trouver la place qu’elle donne à son travail. Plus elle est importante ; plus elle empiète sur les autres domaines identitaires, plus le risque de stress est important.

L’importance de l’environnement social dans le processus identificatoire. Garder son travail peut alors devenir un réel enjeu.

Pour cela, la personne va faire semblant, nier, ou être dans le déni par apport a ce qui l’entoure ; surcharge de travail, environnement pesant, difficulté de conciliation. Cette ignorance l’amène à être mal dans sa peau et avoir les premiers symptômes de nervosité en laissant place au stress.

Cette transformation crée une rupture dans le continuum de sa vie. En créant cette rupture un questionnement latent se crée sur son identité et ses actions. C’est pourquoi, afin de répondre à la fois à son exigence et à la demande extérieure, elle va s’évertuer à en faire plus qu’il ne faut pour répondre à son rôle. Dans cette perceptive elle empiète sur ses autres « identités » au risque de créer un réel déséquilibre.

Le changement de rythme et la pression intérieure et extérieure va créer une tension dans le psychisme. Cette tension est provoquée par la permanence dans laquelle elle s’est installée et l’oblige de se poser la question : qui suis-je ?

La peur de perdre son travail, la peur de mal faire, d’être moins performant fait apparaître un stigmate. Ce stigmate est la conscientisation d’une différence par son statut qui lui est renvoyé par l’autre, par ce qu'il en ressent ou les deux. Pour Goffman, le stigmatisé traverse deux phases, la première ou il apprend à connaître le point des «  normaux » et l’autre le fait qu’il n’y correspond pas.

Une première question est : Ou se place la personne ?

Une autre question : quel recul est elle capable de prendre ?

Et enfin la dernière : Jusqu'où est elle capable d’aller ?

La réponse à ses questions nous informe sur la capacité d’une personne à connaître ses limites et à s’installer dans un équilibre identitaire essentiel.

Goffman ajoute dans Stigmates que : « l’identification personnelle et l’identification sociale influent l’une sur l’autre en une intrication » (1963, p.81).

L’incapacité à trouver cet équilibre provoque une perte de repère en ce qui concerne cette identification sociale. Ceci parce qu’elle ne se reconnaît plus en l’autre et que l’autre ne se reconnaît plus en elle. En prenant la définition du mot identification sur le Vocabulaire de psychologie (2002,p.155), je constate que c’est un processus psychosocial, entre les individus, entre les individus et le groupe, l’individu et la société, ou une médiation entre le sujet et son devenir.

Ce qui est intéressant ici, si je fais le lien avec les stigmates et le processus de l’identification présenté pas Goffman, c’est que la notion d’appartenance au groupe est dominante.

Ce que j’appelle la passerelle psychique et émotionnelle va à ce moment-là prendre une place importante dans l’équilibre ; plus l’environnement va être positif moins l’espace de cette passerelle sera important.

Ce que je mets derrière cette passerelle, c’est le processus interne qui se produit dans le psychisme entre le ressenti intérieur de la personne et la représentation de l’extérieur. Hanna Segal dans, Délire et créativité, s’appuie sur les études de Freud et de Mélanie Klein pour décrire ce processus interne qui va de l’extérieur à l’intérieur et de l’intérieur à l’extérieur ; l’un mène au fantasme et l’autre à la pensée. Je rejoins ici Piera Aulagnier qui évoque la représentation d’un projet identificatoire, qui emprunte à ces deux principes. Ainsi, j’en conclus que plus le décalage entre l’intérieur et l’extérieur est grand, plus il se crée un décalage qui place la personne, dans un mal-être et dans une difficulté pour répondre à la question existentielle « qui suis-je ? », qui s’élabore lors de son cheminement et de son rapport à l’autre.

 

 

La question de norme apparaît et positionne les personnes en les stigmatisant. Le degré qu’a la personne de supporter ce regard ou la capacité de le transformer dépend de son propre regard sur elle même, c'est-à-dire de l’acceptation de ses limites.

Si la passerelle est espacée, c'est-à-dire si l’écart entre le ressenti émotionnel de la personne, la perception de sa propre représentation sur soi et la perception de la représentation de l’autre sont trop éloignées de l’identification du projet, alors il se crée une perte de sens dans les actions menées.

C’est dans cet espace très large que peut sombrer la personne vers le mal être, la déprime.

En effet, elle ne sait plus qui elle est, elle se néglige et s’efface.

Petit à petit elle tombe dans la dépression, ou dans le burn out.

La solution est dans l’autorisation d’avoir des activités qui la sortent de ce rôle exclusif, en cela elle retrouve et rejoint d’autres groupes que son groupe professionnel qui lui permettra une identification plus large. Ainsi la personne, qui assume son rôle professionnel tout en s’autorisant à vivre d’autres rôles, va pouvoir faire cette projection qui donne du sens à cette nouvelle temporalité qu’elle maîtrise à présent. C’est l’équilibre.

En trouvant son équilibre, il y a construction de projet. Ce qui induit que le « je » qui était représenté autrefois, n’est plus identique au « je » d’aujourd’hui, ce qui explique qu’une différence se glisse entre le passé et le futur. Le projet permet ainsi à la personne de répondre à la question « qui suis-je ? », et lui permet dans le même temps d’entrer dans le processus identificatoire. Elle projette et se construit.

La personne est constamment dans la construction de son identité et cela passe par ces différentes expériences, par ses rencontres, par sa position au niveau des autres, au niveau d’un groupe et au niveau de la société.

La personne se construit effectivement à la fois dans une identité sociale et personnelle. L’enjeu qu’elle va placer sur son identité sociale peut déséquilibré son processus identitaire qui repose sur ses identités multiples (Parent, enfant, professionnelle, danseur…).
En niant ces autres identités et en ne vivant uniquement sur son identité professionnelle, il va faire de son projet identificatoire une source potentiellement dangereuse pour sa santé.
C'est bien la représentation que l'on se fait du travail qui va augmenter ce déséquilibre.


Angela Cumin
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