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Coup de pompe, fatigue…

Ces états génèrent des risques au travail et pénalisent la vitalité de l’entreprise. Comment mieux les prendre en compte ?

Alors que les études menées auprès des français depuis ces 10 dernières années nous ont appris que près de la moitié d’entre eux déclarent avoir éprouvé de la fatigue pendant une à deux semaines au cours de l’année, et près d’un tiers des femmes déclarent avoir souffert de cet état plusieurs fois dans l’année, l’on sait également que les actifs font partie des populations les plus concernées par cet «autre mal du siècle» (1). L’on sait également que les personnes fatiguées font 2 à 3 fois plus appel à des soins médicaux ambulatoires, reçoivent 2 fois plus de prescriptions médicales et sont hospitalisées 2 fois plus souvent et sont donc plus souvent en incapacité de travail. En résumé, l’impact socio-économique de la fatigue est considérable pour la société et pour les entreprises en particulier (2).
Nous avons fait le point sur la notion de fatigue. Quelles sont les causes possibles et les effets de ces états de fatigue ? Est-il possible de mieux prendre en compte ce facteur de risque dans le cadre de l’entreprise ?

Quel est le profil de la personne fatiguée ?

  • Il s’agit souvent d’une personne active
  • Plus souvent une femme qu’un homme
  • Elle consulte fréquemment son médecin
  • Consomme plus de médicaments
  • Est plus souvent en incapacité de travail


Mieux comprendre la fatigue

Pour Horn (2002), la première difficulté réside dans la définition du terme de fatigue, qui va du besoin de se reposer à la somnolence aiguë en cours de journée en passant par les difficultés à réfléchir et à se concentrer: «La fatigue est une plainte résultant d’un déséquilibre entre ce qui doit être accompli et ce qui peut l’être». La fatigue est aussi définie comme une sensation de lassitude décrite de façon variable comme un état d’épuisement, un manque d’énergie, la perte d’ambition ou d’intérêt, une vitalité amoindrie, une prise de conscience d’insuffisance,... souvent accompagnée d’une sensation subjective de faiblesse et d’une forte envie de repos ou de sommeil (Valdini 1985). Ces définitions montrent la relation intime qui existe entre l’équilibre physique et psychologique dans la déclaration d’une fatigue.

Quand il y a fatigue, le premier réflexe est de consulter. La fatigue est un problème abordé chez son médecin traitant au cours d’1 consultation sur 5 (2). C’est une démarche indispensable car cette fatigue, surtout si elle s’installe dans le temps (au-delà de 6 mois), peut signer l’existence d’un trouble physiologique. Le médecin va chercher à comprendre d’où elle vient et comment elle est vécue par la personne: S’agit-il d’une fatigue physiologique liée à un effort important et ponctuel; est-elle liée à une hygiène de vie désordonnée, à une pathologie infectieuse, à un facteur psychologique…
Le médecin saura déterminer la cause si la personne présente des symptômes associés et prendre les mesures qui conviennent.
Mais on sait également qu’aucune cause physiologique, lésionnelle de cette fatigue ne sera mise en évidence dans 50 % des cas ! Qualifiée alors de trouble fonctionnel, fréquemment associée à un facteur psychologique (fatigue réactionnelle apparaissant en réaction à des soucis d’ordre personnel ou professionnel) ou fatigue d’ordre psychique. En résumé, dans près d’un cas sur deux, le médecin bien que restant attentif à toute évolution, conçoit une amélioration spontanée. (2)

Et pourtant la gêne est bien présente pour la personne qui vit cet épisode troublé. Baisse d’énergie, baisse de potentiel de concentration, baisse de motivation, risque de somnolence, capacités de vigilance plus faibles, la personne passe «en zone de risque» : sur la route, à son travail,… , dans le cadre de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle. Comment l’entreprise peut-elle sérier le problème et mieux prendre en compte ce mal-être ?

Dans 1 cas sur 2,

  • La cause de la fatigue n’est pas explicable médicalement.
  • Alors qu’une cause médicale n’est mise en évidence que dans la moitié des cas, l’autre moitié serait intimement liée à l’équilibre physique et psychologique.


Mieux prendre en compte la fatigue

On l’a compris, la fatigue est intimement liée à l’équilibre physique et psychologique de la personne. Les soucis d’ordre personnel ou professionnel, le stress, le manque de sommeil, la suractivité, une alimentation déséquilibrée influent…

Pour agir, l’on peut tout d’abord s’interroger sur la nature et le rythme de l’activité elle-même : ses conditions spécifiques, ses variations de rythme,… Donne-t’elle lieu à des efforts intellectuels intenses (concentration, gestion d’un événement important,…), émotionnels (contact prolongé avec la clientèle, excès de stress,…), physiques (bruit, horaires décalés, déplacements routiers, charges physiques,…).
Si l’événement générateur de fatigue est ponctuel, le repos, un sommeil réparateur vont permettre à l’organisme de récupérer.  
En revanche, si les efforts soutenus s’installent sur la durée, il devient crucial de favoriser le respect des rythmes naturels et une bonne hygiène de vie en s’appuyant sur 3 ressources – piliers : un repos qui « casse » le rythme, une alimentation équilibrée qui évite les carences et une activité physique qui régénère.
L’entreprise peut mener parallèlement une réflexion sur les moyens à déployer, en termes d’organisation du temps et d’aménagement des conditions de travail, pour faciliter la récupération des salariés et tenir compte de la réalité de la vie de l’entreprise. Quelques pistes de réflexion :

  • Autoriser une latitude d’horaires décalés
  • Faciliter le télétravail
  • Favoriser une organisation des missions qui limitent les déplacements
  • Permettre des heures de récupération après un épisode de suractivité
  • Améliorer la qualité des espaces de travail : ergonomie, mais aussi lumière, ambiance sonore, espace et ses dimensions sensorielles,…,
  • Mettre à disposition des équipes un espace de détente et de repos
  • Transmettre et favoriser l’application d’exercices corporels simples pour auto-gérer les tensions musculaires et articulaires quand le besoin se fait sentir : par la respiration, la relaxation progressive…,
  • Proposer une sensibilisation à la maîtrise de l’équilibre alimentaire


La fatigue se traduit par une lassitude, un manque d’intérêt, de motivation, de stimulation,… elle est liée à l’état psychologique de la personne.
La réflexion qui doit être menée passe alors par une approche individuelle pour comprendre la perception de ses effets et de ses causes par la personne elle-même et fonde les bases d’un travail d’évolution personnelle.
Une telle approche réclame un accompagnement individuel, un travail de prise de conscience qui va aider la personne à mettre le doigt sur les ressorts lui permettant de retrouver son énergie personnelle : en redonnant du sens à son travail, en resituant sa place dans sa fonction et dans son équipe, ... Elle pourra donner lieu à la prise de conscience de souhaits de changement pouvant inciter l’entreprise à lui proposer de nouvelles missions, une évolution de fonction…
Là encore, le triptyque, alimentation équilibrée, activité physique et sommeil, va participer au retour à l’équilibre et pourra être appréhendé en parallèle à travers une démarche individuelle ou collective.

En résumé, l’on comprend que la fatigue est un sujet multifactoriel situé au cœur de la vie professionnelle et qu’il est important d’avoir une vision globale et personnalisée de ses causes et de ses effets pour envisager des actions correctives adaptées et permettre un déplacement sensible et progressif vers un équilibre bénéfique pour chacun et par voie de conséquence pour la vitalité de l’entreprise.


Michèle Poignet-Morel
Dirigeante et co-fondatrice de By Sèvia spécialiste du Mieux-Vivre en entreprise
www.bysevia.com

Sources : (1) Enquête IPSOS réalisée pour le Quotidien du Médecin, 2000, (2) La plainte fatigue en médecine générale – Drs Catherine MAGNETTE et Bob GERARD – Société Scientifique de Médecine Générale - sept 2005.

 
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