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Critique mode d’emploi à l’épreuve de la bienveillance

Manager des individus fait de la critique un exercice obligatoire et nécessaire !

Tout responsable d’équipe, est régulièrement appelé à corriger, améliorer, optimiser, booster, recadrer le travail et les performances de ses collaborateurs… bref à critiquer.

Un exercice originellement positif, bien intentionné, pratiqué à des fins constructives où la bienveillance, appelée en cette année 2012 à faire son entrée dans le monde du travail*, devrait être présente ! Pour autant dans son exercice quotidien, si les objets de critique sont justifiés, la forme adoptée manque furieusement de bienveillance et parfois ouvre une brèche sur la malveillance ordinaire voire extraordinaire

Pour éviter de produire l’effet inverse à celui recherché et par là démotiver, décourager, blesser, détruire voire tomber sous le coup du harcèlement moral voici quelques rappels et quelques règles fondamentales en matière de critique, à respecter pour ne pas mal - mener ses équipes en ces périodes de changements permanents et de tensions économiques et sociales qui la rendent encore plus inévitable et souvent menaçante.

La critique n’est pas aisée

Contrairement à l’adage qui affirme le contraire, critiquer est un exercice difficile, à hauts risques ! Délicate à formuler et désagréable à recevoir puisque loin de sa nature et de son objet originel elle est généralement assimilée - par l’émetteur comme par le récepteur - à une réprimande, un reproche, un blâme, une accusation, une condamnation, une remise en cause

Toute critique, même bienveillante, provoque d’abord chez le concerné de la colère, de la peur, de la honte, de la déception, de la tristesse, un coup de déprime, de la gêne, un sentiment d’injustice.

Un juste milieu à trouver entre trop, mal ou pas assez.

Face aux risques possibles, certains managers préfèrent s’abstenir ! Par peur, indifférence ou laxisme se taire et laisser faire est contre productif et le contraire de manager !

L’absence ou l’insuffisance de critique est largement préjudiciable, en terme de performances et de motivations. C’est la porte ouverte à la médiocrité, à la non qualité, à la non responsabilité aux mal - faisants.

A l’inverse des critiques mal formulées, exagérées, répétées, infondées, déplacées, hurlées… sont susceptibles a minima de détruire toute motivation et nuire aux résultats, plus gravement de laminer des egos et de briser des individus voire des vies et peuvent être constitutives de violence, de harcèlement moral et vous conduire au tribunal

La bonne critique constructive !

A l’origine la critique est une évaluation objective et circonstanciée d’un objet, d’une situation, d’une réalisation qui permet d’établir ses points faibles et ses points forts, ses qualités et ses défauts. C’est une voie de progression au service de la qualité de l’innovation du changement, qui donne la matière pour faire mieux et ou différemment !

A charge de le démontrer, de le prouver !

 

Les formes à éviter

La personnalisation :

Cette mauvaise façon de faire souvent matinée d’insulte, de mépris…et s’illustre bien par le lapidaire « Tu es nul ». Elle assimile le fait à la personne et devient une attaque personnelle intolérable. Critiquer est alors déprécier, dévaloriser, déstabiliser jusqu’à provoquer une atteinte dommageable à l’estime de soi

L’accusation : « Vous vous fichez de votre travail », « tu ne crois pas à ce nouveau projet ! « A croire que vous le faites exprès »…. Ces formulations, entre autres, confondent critique et jugement. Elles présument des intentions et de fait figent le comportement ou mettent d’entrée de jeu sur la défensive et non sur l’écoute et l’ouverture

L’interrogation biaisée : « C’est vraiment ce que tu voulais faire ? » « Tu crois vraiment que ça change quelque chose ? ».Cette déclinaison de la précédente qui accuse et vous met d’office en situation de coupable ou d’incapable !

La généralisation : « Vous êtes toujours en retard », « vous ne me rendez jamais vos rapports d’activité dans les temps », « c’est encore la même chose ». A renfort d’exclamation et de toujours et jamais, et encore transforme la critique en sermon et génère une négation facile » ce n’est pas vrai, ce matin j’étais là à 8h ! »

L’exagération : voisine de la précédente qui transforme un brin de paille en poutre, un fait mineur en fait majeur ou s’exprime par des cris. La forme porte préjudice au fond, fait perdre sens et crédibilité et toute volonté d’amélioration

L’imprécision : « Passez plus de temps à l’essentiel » - c’est quoi l’essentiel ? « Ce n’est pas une bonne idée » - pourquoi, en quoi ? » Je m’attendais à mieux » oui mais à quoi ? « Vous vous y prenez mal » oui mais comment ? Cette façon d’exprimer la critique sans information, sans direction, marche à suivre s’avère improductive. Critiquer s’assimile à mal - mener et ne peut qu’engendrer désarroi, peur de mal faire et répétitions des erreurs

La moquerie : Mais aussi la plaisanterie ou l’ironie ou un cran au dessus le sarcasme, toutes formulations qui sous couvert d’humour peuvent devenir des attaques personnelles, flirter avec l’insulte et la discrimination

L’insulte : « Mais c’est quoi ce torchon » « C’est une vrai merde », « Vous êtes con ou maladroit ? » « Ma pauvre fille », « Pauvre imbécile », « Ferme ta grande gueule ». Souvent renforcée par des hurlements et associée au grossier voire en déclinaison sexiste au graveleux. Cette forme d’expression confine à l’injure et à l’humiliation, plus encore si elle faite en public et provoque des réactions extrêmes : inhibition, honte, rancune ou violence et rébellion

La discrimination : Une déclinaison sélective de la précédente : « Encore un truc de gonzesse ! » Allez servez le café ça au moins vous savez faire », « Chez quelqu’un comme vous, ça ne m’étonne pas », « alors le grand diplômé pas capable de compter !… Critiquer revient à stigmatiser, à rejeter, à mettre à l’écart ou à l’index ; une violence faite à l’identité de l’autre !

La menace : Souvent ponctuée d’un sinon rageur : « il faut que ça change… sinon ! » ou « c’est la dernière fois que. Clairement menaçante, elle s’inscrit dans une rapport de force et de pouvoir qui vise à la soumission, de nature à provoquer la peur, l’inhibition, assortie de rancune mais aussi à constituer un défi et une rébellion

L’anticipation : « Et ne vous y prenez pas comme la dernière fois ! » « « En même temps,je sais à quoi m’attendre » Cette forme de critique anticipée, qui pronostique un échec à l’avance ; condamne a priori et ne donne donc aucune raison de changer et de faire mieux !

La répétition : La critique incessante, répétée, récurrente enferme dans le permanent, l’irréductible. Elle ancre dans l’erreur et le négatif et empêche toute perspective d’amélioration. Profondément destructrice elle est la base du harcèlement

 

Les formes à mettre

Choisir le moment et le lieu :

Pas de réaction à chaud, voire à vif sous le coup d’une émotion ! Pas de critique exutoire ou soupape pour passer ses nerfs sur le premier qui passe ! Le cas échéant il est bon de savoir présenter ses excuses une fois le calme retrouvé

Pour autant pas de report vitam eternam ! Si quelque chose est préjudiciable et perfectible et qu’il est possible, utile et profitable de le modifie il est urgent d’agir et de ne pas laisser les situations traîner, s’installer, pourrir !

Pas vite fait, entre 2 portes, pas en public- humiliation majeure- mais au calme entre 4 yeux !

Partir du factuel, du précis, du concis, du concret, du chiffré, du daté

Circonscrire aussi précisément que possible, le fait, la situation critiquable

« J’ai constaté, ce mois ci, que vous êtes arrivé 6 fois avec un retard de plus de 20mn – préciser les dates- le 6 – ce qui dérègle l’organisation du service.- préciser.

Si vous avez des difficultés merci de me tenir informé ou de m’en parler sans me mettre devant le fait accompli »

Parler à la 1ère personne

Je pense, je trouve, selon moi… ce qui évite toute forme de mise en accusation et laisse une porte ouverte à l’expression

« Quand je demande les chiffres pour vendredi et que je les reçois le mardi, j’ai l’impression de ne pas être respecté, et je n’ai pas pu avancer comme prévu sur le dossier ce week-end, que j’avais bloqué exprès !

Le sandwich ou la gélule

C’est le contraire de la focalisation négative. La technique consiste à ne pas seulement insister sur un point faible mais à l’intercaler entre 2 tranches de positif ; comme un médicament au mauvais goût qu’on entoure d’une coque neutre ou sucrée.

D’abord exprimer une satisfaction globale « Depuis votre entrée en fonction vous m’avez donné raison de vous avoir fait confiance »

En venir au point faible perfectible, à améliorer : « cependant…. »

Terminer par un compliment, une réassurance de votre confiance : «avec votre dynamisme, sens relationnel, créativité…… Je suis sûr que d’ici quelques semaines les choses seront bien engagées ! »

Comme l’a dit joliment un anonyme : l’art de la critique: un sujet, un verbe un compliment !

Ecouter, comprendre… avec fermeté

Pas question de faire un monologue, un sermon, un réquisitoire. Il faut écouter, entendre et comprendre les explications, les difficultés. Pour autant comprendre n’est pas accepter

« OK, ceci étant il faut trouver une solution faire ce qu’il faut pour que ça ne se reproduise plus, que ça change…. As-tu une idée ? »

Il est donc nécessaire de prévoir les objections possibles : « je sais qu’en ce moment il manque une personne », « que les objectifs sont élevés…MAIS »

Utile pour désamorcer dénégation, « bonnes raisons » et agressivité

Proposer des solutions sans les imposer

Soyez clair et précis sur ce que vous voulez obtenir, que l’autre fasse et comment ?

Il ne s’agit pas de faire un simple constat mais de prendre des mesures correctives pour faire mieux ou différemment ! Idéalement trouvées par la personne « critiquée » ou à 2

« J’ai pensé à ce dispositif qu’en penses tu ? Si on faisait comme çaça te parait jouable ou as-tu une autre idée ? »

Le feed back

Toujours s’assurer qu’on s’est bien compris, que tout est clair sur l’intention, les attentes, les moyens Pour éviter les interprétations négatives du type : « ça y est c’est mon tour, je suis dans le collimateur, je vais être viré, je suis mauvais, bon à jeter… »

Le SAC : le suivi après critique

Une forme de SAV managérial

Si le sujet était assez important pour donner lieu à critique il mérite d’être suivi et votre attention : « on se voit dans 15 jours, le 18 à 16h - pour faire un point sur les actions menées les difficultés éventuelles rencontrées… ».

QUELQUES PRATIQUES UTILES

L’auto-critique

Avant de mettre en cause les défaillances et performances insuffisantes de vos collaborateurs

Penser à faire un petit exercice, salutaire et régulier d’auto critique

  • Suis-je assez disponible pour mes collaborateurs ?
  • Suis-je assez clair dans mes instructions ? Mes attentes ?
  • Suis-je assez moteur ? Assez aidant ? Assez stimulant ?
  • Suis-je objectif dans mes analyses et mes appréciations ?

(Ai-je des antipathies ou des sympathies, des agacements, des affinités, des divergences d’opinions…des jalousies >>> pas d’opinion, pas de règlement de compte)

  • Ai-je fait une erreur de casting ? Y a-t- il une erreur de casting ?
  • Ma critique est elle utile ? L’intérêt du changement ? Le bénéfice du changement ?
  • La chose critiquée est elle modifiable, perfectible, sous quelles conditions réalistes ?

Sinon s’abstenir et garder son énergie pour autre chose

Le bordage émotionnel

Le sien et celui de l’interlocuteur

Prendre un peu de recul et de distance pour ne pas se laisser emporter par ses propres émotions et parler sur le coup de la colère ou de la peur et pratiquer la critique soupape

Etre conscient de sa nature : perfectionniste, laxiste, rigide… pour savoir pondérer les choses en conséquence.

Pour gérer les émotions de l’autre, autant que possible cerner son profil et savoir à qui on s’adresse, un sanguin, un timide... une femme !Sincères ou manipulatoire, les pleurs restent une réaction assez féminines et problématique à gérer

NB : Plus un individu est impliqué, plus la critique sera difficile à accepter. Elle sera prise comme une atteinte et une remise en cause personnelle, de nature à provoquer déception, amertume découragement, démotivation voire rancune

Le plein de « super »

Critiquer c’est aussi dire ce qui va bien. C’est savoir saluer les performances, reconnaître les progrès, saluer les efforts, encourager, remercier des résultats : savoir dire « bravo », « merci », « super », « félicitations »

Prenez le temps d’inviter vos collaborateurs, pour leur indiquer que ce qu ’ils font est bien et que vous appréciez leur ponctualité, leur conscience professionnelle, leur bonne humeur ; leur diplomatie, leur capacité, leur force de proposition,leur solidarité….

C’est motivant, c’est être reconnu ; cela permet de mieux accepter les remarques négatives éventuelles. Quand on a su se retrousser les manches…. Chapeau bas !

L’assertivité

La connaissance et la pratique de la communication non violente

Pour résister, dire non sans se fâcher, critiquer sans agresser, stimuler sans harceler, solliciter sans agacer, demander sans se plaindre

 

2 RAPPELS : Nobody’s perfect - Errare humanum est

Marilyn et Senèque s’unissent pour vous inciter à la bienveillance ; Personne n’est parfait ! L’erreur est humaine et se tromper est souvent formateur ; Se tromper n’est pas fauter!

Donner à ses collaborateurs le droit à l’erreur c’est le gage de plus de transparence, plus de visibilité, pas de loups cachés par peur de réprimande. C’est aussi une meilleure communication plus authentique et une meilleure ambiance

Une façon de désarmer la peur de se tromper, inhibante et de favoriser l’initiative, la créativité, la rapidité

Une fois l’erreur faite et les corrections observations, apportées c’est fini, c’est passé, dépassé ; il n’y a pas de compte débiteur permanent, le droit à l’oubli, c’est effacé du casier !

 

Chantal DESJARDINS

 
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