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Les personnes toxiques

Nous sommes des êtres sociables, appelés à vivre en société. Notre existence est liée à celle des autres, nous sommes connectés les uns aux autres. Toutes les techniques à l’heure actuelle ont pour objectif la connaissance, le respect de soi et le bien-être individuel. Mais cet objectif a lui-même un méta-objectif, qui est celui de la connaissance et du respect de l’autre et du mieux-être au sein de notre monde (et non sur une île déserte).

Il existe une grande psychodiversité chez les êtres humains. Et contrairement à ce que notre éducation nous a souvent enseignés, nous ne pouvons aimer tout le monde mais nous pouvons mieux nous comprendre pour savoir cohabiter.

« Personne n’est méchant volontairement » disait Socrate.

Ce qui est une richesse chez certaines personnes peut se révéler souvent difficile à vivre, que ce soit dans la sphère professionnelle, familiale, personnelle ou sociale.

S’il est relativement aisé de couper les liens avec un ou une ami(e) « toxique », cela peut être lourd de conséquences au sein de la famille et très délicat dans le monde professionnel et notamment dans nos cabinets.

 

Identifier les personnes toxiques

Qui vous est toxique ?

Les personnes qui vous apportent de l’énergie négative, diminuent votre bien-être, compliquent votre vie ou perturbent votre travail.

Qu’est-ce qu’une personne toxique ?

La relation à l’autre nous révèle dans un effet miroir, nous nourrit d’énergie dans un partage qui se devrait d’être harmonieux. Quand cette relation nous épuise, nous ébranle dans notre confiance, dans le respect de nous-même et de notre espace, elle devient négative donc toxique.

Certains aliments, plantes ou médicaments sont immédiatement toxiques et ne nous laissent que peu de chances de nous en sortir. Heureusement c’est rarement le cas avec les personnes toxiques.

Mais si nous ne savons pas résister, si la toxicité est masquée, insidieuse, continue ou répétée, si elle sape nos certitudes les plus archaïques, le mal peut devenir profond et la guérison nécessiter une aide thérapeutique et du temps pour nous reconstruire.

 

Comportement et motivations des personnes toxiques

Les jeux psychologiques

Il s’agit d’un concept essentiel de l’Analyse Transactionnelle (théorie de la personnalité et de la communication, élaborée dans les années 60 par Eric Berne, psychiatre américain) pour désigner les relations négatives et inconscientes entre individus.

« Un jeu c’est le déroulement d’une série de transactions cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien défini, prévisible… tout jeu est malhonnête à la base… Si quelqu’un demande qu’on le rassure et, après l’avoir été, tourne de façon quelconque la chose au détriment du « rassureur », il s’agit d’un jeu ».

Ces jeux sont un moyen inconscient pour les joueurs :

  • d’être reconnus, de mettre du piment dans une vie qu’ils jugent sans relief,
  • d’éviter d’agir, de rester passif (par l’inaction ou le sabotage pour réussir à échouer…).

 

Le triangle dramatique, dit de Karpman (1968)

Stephen américain, psychologue américain, élève d’Eric Berne

Il s’agit en vérité d’un triangle à… quatre côtés : trois rôles actifs (la victime, le sauveteur et le persécuteur) et un passif (le public).

La victime

Elle est convaincue que la vie est difficile et particulièrement la sienne, et que c’est injuste. Elle se sent inférieure aux autres.

Elle cherche à renforcer sa certitude :

  • avec quelqu’un pour l’aider (le sauveteur) afin de se ou le convaincre que le changement est impossible,
  • ou avec quelqu’un (un persécuteur) pour la maintenir dans son état.

Son objectif inconscient est de susciter de la compassion, de se faire prendre en charge et de se déresponsabiliser.

Le sauveteur

Il prend en charge les besoins (supposés) des autres sans qu’ils le demandent en étant convaincu qu’il sait mieux qu’eux ce qui leur est bénéfique.

Si son aide est ignorée ou contestée, il devient soit une victime, soit un persécuteur.

Son objectif inconscient est de rendre les autres dépendants et d’obtenir de la reconnaissance.

Le persécuteur

Il rabaisse les autres en critiquant ou dévalorisant, humilie ou harcèle, dissimule des informations, propose des contrats flous. Son objectif inconscient est de se dédouaner de toute responsabilité (ce n’est pas de sa faute, mais celles des autres) et de pouvoir exprimer sa colère en toute bonne conscience.

Et le public :

Son rôle est indirect mais sa présence, ou pas, a une incidence sur la relation. Le « public » a une responsabilité, soit reliée au Droit (Persécuteur), soit au devoir d’assistance (sauveteur).

 

Les reconnaitre

Les narcissiques

Leur croyance : je suis quelqu’un de formidable et vous avez de la chance de me connaître.

Leur doute : suis-je vraiment si formidable ? Faisons comme si pour convaincre les autres.

Les négativistes

Leur croyance : de toute façon, cela ira mal.

Ce qui amplifie leur comportement : l’imprévu, les complications, mais aussi les réussites et les moments positifs (« cela ne durera pas »).

Les paranoïaques

Leur croyance : on ne peut faire confiance à personne.

Leur comportement : une méfiance extrême, de la froideur et une rigidité extrême, avec une grande difficulté à se remettre en question.

Les histrioniques

Leur croyance : pour être aimé(e), je dois me faire remarquer.

Leur doute : je suis nul(le) et je dois tout faire pour que personne ne le remarque.

Les stressés, les hyperactifs

Leur besoin : maîtriser toutes les situations et que tout se déroule parfaitement et vite.

Ce qui amplifie leur comportement : les injustices, l’immobilité, la négligence.

Les pervers

Leur croyance : je fais ce que je veux, je n’ai de leçons de morale à recevoir de personne ; dans la vie c’est chacun pour soi et mes besoins passent avant tout.

Ce qui accentue leur comportement : les personnes fragiles, le pouvoir, les moments malheureux.

Les passifs-agressifs

Leur croyance : si on ne me respecte pas, cela prouve que je n’ai pas de valeur. Mais si je dis les choses clairement, je vais m’attirer des ennuis. Alors je vais me venger.

Leur comportement : hypersensibles, ils ont une faible estime d’eux-même. De ce fait, ils ne supportent pas les ordres.

 

Comment identifier le début de l’empoisonnement

Côtoyer une personne toxique provoque un stress, aigu et passager si cette relation est ponctuelle, chronique et persistant si la relation est régulière. Les émotions que nous traversons entraînent un afflux d’hormones (adrénaline, glucocorticoïdes) qui perturbent notre homéostasie.

Mais notre corps est une merveilleuse machine qui sait « tirer la sonnette d’alarme » bien souvent avant que l’esprit n’ait compris la situation. A nous de l’écouter ... pour mieux réagir !

  • Symptômes physiques, intellectuels, émotionnels, comportementaux.

 

 

Comprendre les terreurs toxiques

Nous avons un certain nombre de besoins dont celui de reconnaissance et de stimulation. Certaines personnes, de par leur éducation ou des incidents de parcours de vie, voire des troubles psychiques, ne savent pas comment répondre à ces besoins de façon franche, directe et naturelle.

Lillian Glass, spécialiste en communication et spécialiste du harcèlement psychologique, a déterminé 30 types de comportement dits « terreurs toxiques » Mais ne nous arrive-t-il pas aussi d’être parfois, pour ceux qui nous côtoient, l’une ou l’autre de ces terreurs ?

 

Les techniques pour les combattre ou les accepter

Croiser ces personnalités complique notre quotidien mais peut être aussi une chance de progresser dans notre connaissance de la nature humaine et de nous faire réfléchir sur notre propre comportement.

 

Nos ressources

Afin de pouvoir se préserver, se libérer ou grandir à leur contact, nous disposons d’un certain nombre de ressources morales, psychologiques et comportementales.

1ère ressource : l’humilité

Chacun a sa petite névrose. Peut-être avons-nous aussi, parfois, des côtés « empoisonnants » pour notre entourage ?

2ème ressource : la longanimité

(Définitions du Larousse : « Patience à supporter ses propres maux - Indulgence qui porte à pardonner ce qu’on pourrait punir »).

Il faut savoir choisir ce qu’il nous appartient de faire évoluer, et accepter ce qu’on ne peut changer. En conséquence, dépensons de l’énergie pour l’essentiel, et « longanimons » pour l’accessoire.

3ème ressource : la lucidité

Côtoyer des personnalités toxiques nous amène à réfléchir sur nous-même, notre tolérance face à la différence, notre intolérance face à la frustration.

4ème ressource : le recul

Plus nous sommes justes avec nous-même et en harmonie, plus notre tolérance aux énervements est grande. Se souvenir que lorsque nous nous énervons, c’est à nous que nous nuisons.

5ème ressource : la patience

Savoir donner le temps aux personnalités difficiles de changer sans renoncer à les y inciter.

6ème ressource : l’empathie

L’empathie c’est la capacité de se mettre à la place de l’autre pour ressentir son point de vue, tout en restant à sa propre place.

7ème ressource : une communication assertive.

Savoir faire des remarques en oubliant le « tu » ou le « vous » accusateur, en partant toujours du factuel, en exprimant notre demande clairement et notre ressenti sans jugement de l’autre. Comprendre aussi que nous nous exprimons à travers des canaux de communication différents même si nous parlons a priori la même langue (et a fortiori dans le cas contraire).

8ème ressource : la fermeté

Dans certains cas et quel que soit notre degré de relation, il est indispensable de nous protéger et poser nos limites. Il faut savoir refuser, rompre parfois toute relation quitte à perdre un client (ou un ami…). C’est parfois la seule issue.

9ème ressource : la bienveillance

Nous avons affaire à des personnes fragiles qui ont besoin, même si c’est difficilement exprimé, de sécurité, de reconnaissance voire de valorisation.

La bienveillance nous permet de reconnaitre en chacun ses bons côtés, d’accroitre à la fois notre lucidité et notre compréhension.

 

La méthode ACA (Acceptation – Compréhension – Action)

  • Acceptation grâce à nos neuf ressources
  • Compréhension par l’identification des besoins et des doutes évoqués ci-dessus
  • Action par une adaptation de notre comportement à chaque personnalité :

narcissique :

Faites respecter votre personne, et votre travail qui ne doit pas être remis en question, quitte à faire une mise au point en tête à tête. Toute critique ou remarque doit être précise et synthétique, jamais en public. Abandonnez toute idée de reconnaissance ou de remerciement de leur part.

négative :

Vous pouvez leur rappeler les vertus de l’optimisme. En discutant, amenez-les à plus de lucidité quant à la véracité de leurs prédictions. Démontrez la force de la Loi de l’attraction : par notre pensée positive, nous attirons du positif (ou du négatif dans le cas contraire).

paranoïaque :

Respecter les formes (ponctualité, courtoisie, politesse…). Soyez parcimonieux en matière de critique, c’est une personne très fragile. Soyez autant que possible irréprochable. Evitez d’annuler ou de reporter des rendez-vous, évitez aussi les discussions contradictoires mais posez clairement votre cadre et les règles du jeu. La paranoïa poussée à l’extrême est une psychose, dans certains cas il est préférable de rompre la relation.

histrionique :

De la patience, voire de l’amusement pour accueillir théâtralisation et excès. Sachez encourager, par contre, tout comportement « normal » et la sécuriser sur ses qualités naturelles. Sachez garder la bonne distance et résister aux tentatives de séduction, puis à leurs revirements.

stressée :

Respectez les horaires et soyez fiable. Créez une atmosphère agréable (musique, ambiance) et encouragez-la à se relaxer, à lâcher-prise peu à peu.

perverse :

Vous devez rester vigilant sans accorder toute votre confiance, fixer des règles claires non négociables et sans écart possible. Vous devez rester sûr(e)s de vos propres valeurs et savoir préserver votre propre estime. Dans la mesure du possible, maintenez le lien tout en conservant votre bon sens. Mais dans le cas extrême de psychose, là aussi rompre la relation est indispensable.

passive-agressive :

Respectez toujours les formes et sollicitez son avis pour toute décision. Observez les manifestations non-verbales et aidez-la à rechercher et trouver ses solutions. Par la confiance, sortez-la de sa rumination en l’encourageant à exprimer son ressenti.

 

Reconstruire la relation avec soi

Importance de l’image de soi

Plus l’image que nous avons de nous est bonne, plus l’impact des personnes dites toxiques est faible.

Gérez votre stress

Respirez… de façon abdominale pour vous détendre, avant de parler et à chaque fois que vous besoin de vous recentrer. Inspirez toujours par le nez en gonflant le ventre – expirez en creusant le ventre soit sur le même nombre de temps, soit en doublant le temps d’expiration pour retrouver votre calme.

Insérez, si nécessaire, un ou deux temps d’apnée entre l’inspiration et l’expiration.

Visualisez un moment positif (ou écoutez ou ressentez… selon votre sens dominant) jusqu’à vivre mentalement et pleinement ce moment avec le maximum de vos sens en éveil.

Ancrez ce moment en y associant un petit geste (toucher une phalange des doigts, caresser son poignet, ouvrir et raidir ses doigts… trouvez le vôtre !). «Remplissez » bien ce geste en le reproduisant à chaque fois que vous vivez quelque chose d’agréable… ensuite il vous suffira de refaire ce geste pour vous sentir mieux.

Adoptez une bonne hygiène de vie

 

  • Un sommeil paisible, d’une durée de 6 à 8 heures,
  • une alimentation équilibrée et la diminution des excitants (café, thé, alcool…),
  • une activité physique régulière (marche rapide, grand ménage, jardinage, bricolage… compris),
  • une activité créative régulière (y compris cuisine, décoration…),
  • une bonne répartition entre sphères professionnelle, familiale, personnelle et sociale (sans oublier la sphère pratique),
  • un moment de plaisir rien que pour vous par jour (au minimum !).

 

Continuer son chemin

Parfois un travail de développement personnel ou en thérapie est nécessaire, après avoir croisé une personne à haute toxicité, pour retrouver calme, harmonie et même confiance en soi.

 

Jocelyne Bédu

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Des jeux et des hommes - Eric Berne (Ed. Stock)

Relations et jeux de pouvoir - Jean-Jacques Crèvecoeur (Ed. Jouvence)

Sortir du Triangle dramatique - Bernard Raquin (Ed. Jouvence)

Je résiste aux personnalités toxiques (et autres casse-pieds) - Christophe André et Muzo (Ed. du Seuil - collection Points)

Ces gens qui nous empoisonnent l’existence - Lilian Glass (Ed. Poche Marabout)

 

 
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