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Pour une psychologie positive physiologique dans nos entreprises

La psychologie positive révolutionne les sciences en se concentrant sur ce qui nous conduit à réussir notre vie, à l’inverse des pathologies qui nous menacent. Combinée à l’intelligence émotionnelle qui a permis à la fin du XXème siècle d’ouvrir la voie à une qualité émotionnelle et relationnelle, notamment au travail, la psychologie positive et l’intelligence émotionnelle nous ouvrent une nouvelle voie, celle de la physiologie positive. Pas seulement pour notre psyché, nos émotions, mais aussi, et surtout, au niveau de notre corps. Et nous pouvons alors vivre « Mens sane in corpore sano », et réaliser que dans cette citation se trouve une source profonde de réalisation personnelle et professionnelle.

 

1- La Psychologie Positive comme source de satisfaction et de bonheur au quotidien

La psychologie positive remplit désormais les Best Seller des libraires, dans le rayon psychologie et développement personnel. Qu’en est-il donc de ce déploiement dans les entreprises ? Des initiatives sont lancées, à l’exemple de Chief Happiness Officers qui commencent à se répandre, ou d’organisations plus matures, organiques, humaines, à l’image des ‘entreprises libérées’ –terme discutable introduit par Isaac Getz dans son livre « Liberté & Cie : Entreprises libérées » ou encore des organisations ‘Opales’ –traduction de l’anglais ‘Teal’- présentées par Frédéric Laloux dans son Bestseller « Reinventing Organisations ». Au-delà de ces initiatives d’évolution passionnantes, posons-nous la question de comment la psychologie positive peut-elle être diffusée au sein d’entreprise.

Martin Seligman, psychologue et alors président de l’APA -l’Association Américaine de Psychologie- a constaté la principale focalisation de la psychologie du XXème siècle sur les pathologies et dysfonctionnements, pour un ratio de dix-sept articles sur le négatif pour un sur le positif. Il a explicitement lancé le défi, et en conséquence le démarrage du mouvement de la psychologie positive en 1998. De nombreux experts –et leurs ouvrages et conseils- fleurissent désormais l’approche de psychologie positive, Harvard étant un des fers de lance avec notamment Shawn Achor qui a écrit deux livres fruit de ses expérimentations, partages et approfondissement dans le monde de l’entreprise, notamment dans le contexte éprouvant de la crise financière de 2008.

Le premier livre de Shawn Achor, « Comment devenir un optimiste contagieux », démontre combien ce n’est pas le succès qui apporte le bonheur, mais bien le bonheur qui apporte le succès. C’est de nous mettre dans un état d’esprit qui change notre vie qui va nous conduire la réussite, alors que nous avons été programmé. Ce qui nous semble une lapalissade évidente est cependant souvent oubliée : nous nous retrouvons ainsi insatisfaits tant que nous n’avons pas réalisé tel objectif, atteint tel poste, ou sommes partis lors de vacances bien méritées…

Cela va en fait plus loin : si nous ne sommes pas dans un été interne de bonheur, les actions que nous allons mener ne seront pas aussi efficaces que si nous les vivions pleinement, en état de ressources optimales. Les sept principes que présente alors Shawn Achor nous invitent à prendre conscience que cette approche du bonheur n’est pas qu’altruiste, mais conduisent à de réels gains en productivité et performance, de l’ordre de 30%. Mais aussi que tout est une question de perception, de regard sur les choses, et de comportements et d’habitudes à mettre en place.

Dans son deuxième livre, « Choisir l’optimisme », Shawn Achor démontre que le bonheur se choisit, et que devenir optimiste s’effectue en changeant de perception. Ce n’est pas l’intelligence intellectuelle, ni l’intelligence émotionnelle qui priment, mais surtout la prise de recul, la perception, l’état d’esprit –ou ‘mindset’ qui est prioritaire. Et nous pouvons alors approfondir les cinq principes décrits dans le livre : l’architecture de notre réalité, les clés de succès d’une cartographie mentale, la focalisation sur des accélérateurs de réussite et sur notre objectif ainsi leur influence sur nos relations. Ce deuxième livre se situe donc en amont du premier livre : oui, c’est notre état de bonheur interne qui conduira surtout à notre vraie réussite, mais surtout c’est notre état d’esprit orienté sur nos objectifs, valeurs et satisfactions actuelles qui vont prédéterminer toute la suite.

Afin de ne pas nous décourager devant l’ampleur de la lecture de ces deux ouvrages remplis d’études psychologiques et d’anecdotes, découvrons déjà un avant-goût dans la vidéo de Shawn Achor ayant déjà collecté plus de 14 millions de vues sur TED : ‘l’heureux secret d’un meilleur travail’ : https://www.ted.com/talks/shawn_achor_the_happy_secret_to_better_work?language=fr

 

2- De l’intelligence émotionnelle à la Maîtrise émotionnelle

Le bonheur, ce sont avant tout des émotions positives, puisqu’il s’agit avant tout d’une sensation. Le concept d’intelligence émotionnelle, popularisé par Daniel Goleman en 1995 avec son livre « Intelligence Émotionnelle », a permis de relativiser la sacro-sainte intelligence intellectuelle ou QI. En introduisant le concept de QE –Quotient Emotionnelle, il a permis de rééquilibrer la prépondérance analytique au profit d’un équilibre et d’un enrichissement intellectuel et émotionnel.

L’intelligence émotionnelle se présente sous la forme d’une matrice à deux dimensions, avec la première dimension concernant soi-même –nos émotions- et l’autre –nos relations-, la seconde la conscience ou connaissance de ce qui se produit au niveau émotionnel, puis la gestion de ces événements.

Ces deux dimensions permettent de déterminer quatre cadrans : la conscience de soi, la gestion de soi, la conscience des autres ou empathie et enfin le management des autres. Dans ces catégories, Daniel Goleman décrit dix-huit compétences émotionnelles, et, surtout, démontre le fonctionnement des interactions entre ces quatre cadrans d’intelligence émotionnelle. Ces compétences recouvre tout ce qui touche à des capacités de perception et de gestion tant émotionnelles –confiance, estime, initiative, optimisme…- que relationnelles –empathie, charisme, influence…-

Ainsi, si nous ne développons pas en premier le cadran de la conscience de soi, nous avons moins de 5 % de chances de développer le cadran de la gestion de soi, et moins de 15 % de chances de développer le cadre de la conscience sociale. Le cadran des compétences sociales n’est que la conséquence de la gestion de soi et de la conscience sociale. La conscience de soi est donc la fondation de tout développement et impact en termes de relations et de Leadership. L’intelligence émotionnelle recouvre les intelligences émotionnelles et relations.

Les quatre cadrans de l’IE et les 18 compétences émotionnelles selon Daniel Goleman
(* : cette compétence doit être spécifiquement développée).

Alors que le Quotient Intellectuel est établi pour une personne, et ne peut évoluer, l’intelligence émotionnelle peut elle être développée avec des exercices précis et concrets, pour chaque compétence émotionnelle ou relationnelle, à l’exemple de ceux présentés dans le livre « Emotional Intelligence 2.0 » de Travis Bradberry. La véritable maîtrise émotionnelle va alors consister donc à comprendre d’abord la conscience de nos émotions puis leur gestion chez nous et de leur interaction chez les autres : « Soyons maîtres de nous-même avant de tenter de la gérer chez les autres ».

Pour reprendre le chemin de la psychologie positive au niveau émotionnel, retenons que les émotions positives et négatives sont agonistes et antagonistes, ce qui signifie, que comme le muscle du biceps et du triceps ne peuvent pas être contractés, ou activés simultanément, nous ne pouvons pas ressentir au même moment une émotion positive et une émotion négative. Notre capacité d’optimisme va donc consister à développer une habitude à ressentir des émotions positives, ce qui va naturellement réduire notre vécu d’émotions négatives.

Ainsi, de même que Martin Seligman avait constaté en psychologie le ratio extrême entre articles psychologiques sur les problématiques en regard de ceux sur la psychologie positive, la plus grande partie des théories sur les émotions se focalisent aussi sur les émotions négatives, à commencer par celle des émotions primaires : peur, joie, surprise, colère, tristesse, dégoût, dont toutes les autres émotions découleraient. Dans ces émotions, une seule est positive, et quatre sont négatives.

Un chemin vers cette maîtrise émotionnelle conduit à plus de bonheur au quotidien. Il consiste donc à trouver le moyen de vivre des émotions positives, à l’exemple de la joie, de l’enthousiasme, de la certitude et la détermination, ce qui nous conduira à plus de confiance, persévérance, fierté, estime, et aussi patience, paix, inspiration, partage, plénitude, ou encore gratitude, et de découvrir et ressentir ainsi des graduations et teintes toujours plus subtiles dans la richesse émotionnelle. Cette maîtrise émotionnelle conduira directement à une qualité relationnelle plus remplie et riche, pour une dynamique globale plus forte, ce dont manquent nombre d’entreprises.

Le ratio Losada, ou ratio 3/1, postule –même s’il a été critiqué récemment- qu’un ratio de 3/1 était le seuil capital pour le bien-être des individus : avoir le ration de trois interactions positives pour une négative. Il ne doit pas non plus dépasser 6/1 pour ne pas devenir irréaliste. Il ne nous reste qu’un pas pour imaginer que notre ratio entre nos émotions positives et négatives soit aussi de 3 à 6. De même que nous devons conserver une perception réaliste des points en difficulté, faible et sans nous y plonger, nous devons conserver un vécu d’émotions négatives faibles nous procurant des alertes émotionnels indispensables pour évoluer constructivement avec les défis de notre environnement.

 

3- Vers une physiologie du Bonheur et de la Réalisation, source d’engagement

L’approche de psychologie positive s’intéresse ainsi au fonctionnement de nos pensées, et émotions ; l’intelligence émotionnelle analyse plus en profondeur celui de nos émotions. Et si nous nous intéressions à notre fonctionnement physiologique, comment nos émotions sont crées par notre corps, comment nous devenons drogués à certaines émotions ou comportements ? Une approche approfondie vers une telle physiologie positive, à l’exemple de celle du SANE®, le Système d’Alignement Neuro Émotionnel, tel décrit dans le livre « Le muscle du Bien-Être » de Mani Hesam.

Une telle physiologie positive est une approche de transformation complète du premier facteur de nos habitudes, non seulement mentales, mais aussi physiologiques, en terme musculaire-postural et hormonal-organique. Ainsi nos pensées, notre perception vont ainsi influencer les hormones qui circulent dans notre corps, ainsi que la réaction comportementale et posturale. De même, l’état de nos organes, notamment par notre alimentation, va conduire à influencer nos pensées, et aussi notre posture, si nos surrénales sont épuisées nous allons courber l’échiner et avancer dévitalisés. Enfin, notre posture corporelle va influencer notre oxygénation de notre cerveau, donc nos pensées, ainsi que de l’ouverture ou la fermeture de notre diaphragme sur nos organes, donc de leur fonctionnement. Ce triangle neuro biochimique interne, alimentant nos pensées et émotions, est interdépendant de ses trois sommets, sur lesquels nos devons porter notre attention et vigilance simultanément. Il est donc inutile de se focaliser seulement sur nos pensées si nous ne progressons pas de concert sur notre système neuro organique et neuro musculaire ! Les habitudes et comportements à mettre en place, au niveau externe ne comptent ainsi qu’à 25% de nos résultats, et donc réussites. 75% de notre transformation est d’abord interne.

Le deuxième facteur prépondérant est celui de l’environnement. Les découvertes récentes de la Science de l’ ’épigénétique’ sont en train de prendre le pas sur notre perception toute puissante de la génétique, à l’image de l’intelligence émotionnelle et relationnelle en regard de l’intelligence intellectuelle : notre environnement influe sur nous-même, nos gênes, et donc notre avenir. Nous n’avons pas le même avenir en fonction de l’environnement dans lequel nous évoluons, et celui-ci influe plus sur notre avenir que nos gênes. L’intelligence de nos cellules ne se situe plus dans leur noyau, composé des chromosomes et leur ADN, mais bien dans la membrane cellulaire, qui va décider, en fonction de ses récepteurs membranaires, quel type de protéine, neuropeptide ou neurotransmetteur sélectionner, répliquer et donc activer. Nos émotions ne sont que des neuropeptides et neurotransmetteurs. Si nous vivons dans un environnement nous soumettant des océans de neuropeptides et neurotransmetteurs négatifs, nous serons bien plus enclins à développer du mal-être que si nous choisissons un environnement favorisant la croissance. Choisissons donc quel est l’environnement qui va nous porter et nous permettre de réaliser nos objectifs, de quelles personnes nous fréquentons le plus souvent ainsi que de quels leaders ou sources d’inspirations sur lesquels nous pourrons modéliser.

Notre physiologie va donc se transformer vers le positif en prenant en considération simultanément ces deux facteurs, ce triangle neuro-biochimique interne et cette importance de l’’épigénétique’, de notre environnement. Agir sur ces deux facteurs de manière disciplinée va nous conduire, après 6 mois, 12 mois ou 18 mois, à une véritable transformation en profondeur, conduisant à un bien-être solidement ancré et donc une toute autre réussite. Il en ira de même pour toute entreprise ou organisation : la transformation simultanée est un fantasme, il s’agit au contraire d’une prise de conscience qui va conduire l’organisation à une véritable discipline collective sur 6 mois, 12 mois ou 18 mois pour un état d’engagement interne dans la durée.

 

En conclusion, Daniel Kahneman, psychologue prix Nobel d’Economie, a expliqué, dans son Bestseller « Système 1, Système 2 : les deux vitesses de la pensée », que le système 1 intuitif et émotionnel est plus rapide que le système 2, analytique et rationnel. Il y prétend que la réussite c’est le talent et la chance réunis. Le bonheur, le bien-être porte chance, puisque bonheur signifie bon augure et bon présage. Cette chance, elle se cultive, se construit, se muscle comme dit Mani Hesam. Trouvons l’approche adaptée pour la développer au sein de chaque organisation, afin de combine psychologie positive, maîtrise émotionnelle et relationnelle ainsi que physiologie de l’engagement.

 

François Durnez
fdu@perceis.com
www.perceis.com et www.essence-leadership.com

 

 
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