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Le Dirigeant face au Risque Psychosocial

D’une part la Loi française oblige le dirigeant d’une entreprise à un résultat en matière de santé, d’autre part les dirigeants se sentent souvent bien loin des nouvelles dispositions gouvernementales et des accords de branche : le volet stress leur semble être une contrainte supplémentaire pour « perdre encore du temps à négocier sur des sujets connus depuis toujours », de « continuer à focaliser son énergie ailleurs que sur les résultats de l’entreprise », de « créer un risque supplémentaire de venir compliquer les négociations avec les Partenaires Sociaux » ou encore de « relancer des polémiques et revendications fondées sur un terrain trop subjectif » et enfin « de perdre son temps sur des sujets autres que le développement de l’entreprise ».

Pourtant, lorsque le dirigeant prend du recul, il se rend compte que :
La loi l’oblige à détecter les Risques Professionnels (incluant les Risques Psychosociaux) et à engager un Plan d’Action pour les réduire : voir le décret sur l’obligation de créer son Document Unique (dès le premier salarié) et à le mettre à jour tous les ans, inventoriant les Risques Professionnels et identifiant les actions de réductions entreprises chaque année par le dirigeant.
La loi le contraint à un engagement de résultats en matière de santé de ses collaborateurs. Si une maladie ou un accident devenait imputable à l’entreprise, le dirigeant (ou mandataire) devrait en répondre devant le juge, en matière de droit Civil (amende, dédommagement, remboursement de frais de santé, …) et Pénal (prison avec sursis la première fois… mais pas la seconde !).

Et puis si il prend le temps de bien s’informer, il voit que :
De plus en plus de collaborateurs en mal-être se font reconnaître « inaptes » au poste qu’ils occupent par le médecin du travail, obligeant l’entreprise à négocier une rupture de contrat. Cette démarche est de plus en plus fréquente et se développe à grande vitesse depuis 2009. L’inaptitude devient très souvent une position de force de la part du collaborateur mal dans son poste ou dans son environnement de travail… mais c’est aussi un antécédent négatif au palmarès du dirigeant si une affaire liée à la santé et à la prévention venait à mettre sa responsabilité en cause. Plusieurs inaptitudes pourraient démontrer une faiblesse non résolue face à cette obligation de résultat en matière de santé…
Des cas de jurisprudence de plus en plus nombreux de collaborateurs (ou familles) ayant obtenu reconnaissance de la responsabilité d’un dirigeant, obtiennent ensuite réparation lors d’un second jugement. L’impact financier devient alors bien plus important !
De plus en plus souvent, suite à la reconnaissance de la responsabilité de l’entreprise, les assurances maladie demandent alors et obtiennent un remboursement des frais de santé (exemple : remboursement de frais d’hospitalisation et de chimiothérapie, pour des montants dépassant très souvent les 100 000 euros). Ici l’impact financier devient énorme pour l’entreprise, parfois obligée de fermer ses portes… Ce Risque est donc important et grandissant en France.

Le paysage du Risque Professionnel en France change de jour en jour, accompagnant une épidémiologie croissante et accusant clairement le stress : 30 % des maladies dégénératives (cancers, maladies cardiovasculaires ou neurologiques) et justifiant les recommandations gouvernementales fortes, en faveur de l’amélioration des conditions de travail et donc de la réduction des ces Risques Psychosociaux. Mais pour se prémunir d’une telle croissance de Risque, il faut y faire face, oser ouvrir le volet stress. Et pourquoi pas d’une manière positive ? Il est bien naturel qu’un Dirigeant ou un Comité de Direction appréhende d’ouvrir le volet stress (dit « la boite de Pandore »), car il lancerait chez lui un projet RH à connotation négative. Il existe donc deux approches pour traiter positivement ce risque : l’approche « Productivité et Santé » et l’approche « Bien-être au Travail ».


L’approche « Productivité & Santé ».

L’approche « Productivité et Santé » est le premier niveau positif pour aborder cette question des Risques Psychosociaux. En effet, plutôt que de travailler sur le concept du stress, une approche positive de la question consiste à viser une amélioration de la productivité. Les premières études montrent que la productivité d’une entreprise ayant des conditions de travail critiquées par les salariés descend de 15 à 20 % pour les PME relativement bien loties, à plus de 25 à 40 % pour les plus touchées (sans parler de certaines grandes structures atteignant plus de 50 % de perte de productivité à cause de l’ambiance de travail et de l’habitude à tourner son énergie vers l’intérieur plutôt que de l’orienter vers le client ou l’usager). Le « présentéisme », état mental où le corps est au travail mais l’esprit n’y est pas, est un état qui perdure parfois culturellement dans certaines organisations, mais qui fait, à moindre niveau, beaucoup de mal à la productivité d’une organisation, même pour une entreprise cultivant une image dynamique. La démarche du dirigeant d’accepter d’ouvrir le volet stress et santé au travail, avec pour objectif d’améliorer la productivité de l’entreprise est donc une approche positive et réaliste, relevant un challenge gagnant-gagnant.

Le dirigeant qui ira dans cette démarche améliorera également de fait son image personnelle. Il aura une démarche très intelligente en matière de productivité car bon nombre d’entreprises (peu touchées) ont une perte de productivité de l’ordre de 20% à cause de principaux stresseurs (dont celui de la qualité de la relation à l’autre : Management, collaboration…). 20 % d’un salaire français moyen chargé représente 9 300 € / an. Un objectif accessible pourrait être de réduire de moitié cette perte de productivité. Donc l’enjeu d’une telle démarche serait de gagner de l’ordre 500 000 € pour un site de 100 personnes ! Si l’on considère qu’une évaluation, plus un plan d’action, peuvent représenter moins de 50 000 euros pour ces 100 collaborateurs, le retour sur investissement est d’un rapport 10, dès la première année ! D’ailleurs, c’est cette étude que devrait lancer systématiquement tout dirigeant avant un déménagement, car c’est l’opportunité de protéger ce qui avait été construit en matière de réduction du stress et d’améliorer encore les conditions de travail en emménageant dans de nouveaux locaux.


L’approche « Bien-être au travail ».

De plus en plus de dirigeants visionnaires et proactifs vont en plus chercher à améliorer l’image globale de l’entreprise et miser sur le développement de la motivation de leurs collaborateurs. Il est vrai que l’entreprise idéale est celle pour laquelle on est heureux de venir y travailler au quotidien ! Ils demanderont alors à leur comité directeur de lancer un projet « Bien-être au travail ». Un tel projet est d’ailleurs une belle opportunité pour relancer la Communication interne d’une entreprise ! Cette approche, très positive, englobe la précédente mais s’étend à la démarche du plaisir à venir travailler. Elle apporte une image très positive de la problématique de fond qui est cette décadence épidémiologique provoquée par le stress dans la vie en général. Nous pouvons alors réellement parler d’entreprise responsable, d’entreprise sociétale et de Développement Durable. Nous le parlons plus de stress mais de bien-être. Nous ne regardons plus la bouteille à moitié vide mais celle à moitié pleine. Le Dirigeant fédère toutes les bonnes volontés, les énergies et les compétences autour d‘un nouveau projet d’entreprise constructif. La chaîne logique n’est plus Risques > Stress > Revendications > Conditions de Travail, mais : Gestion des Risques > Risques Professionnels > Risques Psychosociaux > Santé > Image > Productivité > Motivation > Bien-être.

L’argent gagné en productivité peut être partiellement réinvesti dans le bien-être au travail. Dans ce nouvel état d’esprit, la réduction des stresseurs est un sujet vite traité et les Collaborateurs et Partenaires Sociaux se focalisent sur le vrai sujet : celui de la motivation à venir travailler et du bien-être au travail, donc du Développement de l’Entreprise. Si nous savons qu’un Collaborateur heureux rend un Client heureux, la partie est gagnée pour l’entreprise, autant pour les Collaborateurs que pour les Dirigeants… et les Clients. Non seulement cette entreprise gagnera plus d’argent, non seulement les Collaborateurs auront la certitude que leurs conditions de travail sont au top, mais elle se mettra naturellement à innover, car le bien-être est une condition très favorable à la créativité (mécanisme hormonal). De ce fait, cette entreprise se démarquera de ses concurrents et créera des emplois.

En conclusion, il est temps d’informer les dirigeants du fait que le volet stress n’est pas forcément une contrainte qu’il faut fuir, mais plutôt une opportunité de progrès qu’il faut devancer. La démarche de « bien-être au travail » est un réel challenge gagnant-gagnant… si elle est encadrée par un professionnel indépendant et expérimenté dans le management des entreprises !


Pierre DAVEZE,
Directeur Général Alorem
Membre de Stress Experts

 

 

 
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