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Le plaisir au travail comme levier managerial !

C’est serieux ?

Par les temps qui courent c’est déjà bien d’avoir un travail … alors du plaisir !?

En ces temps de tensions économiques et sociales, en cette rentrée marquée par le pessimisme, à l’heure où l’accent est mis sur les risques que l’on court au travail, la souffrance dont on pâtit et le stress que l’on y subit est ce bien opportun de parler de plaisir ?

 

Cela peut paraître déplacé, incongru ou encore une idée de Bisounours.

A première vue, plaisir et travail semblent antinomiques ! pour mémoire la racine sémantique du travail signifie torture et sa nature première est de subordination voire de soumission. Sans compter la culture judéo chrétienne qui nous baigne et ne trouve grâce que dans la douleur et la sueur et la culture d’entreprise qui le voit plutôt en fauteur de trouble de nature à affaiblir l’engagement !

 

Les temps changent, les salariés aussi… le management reste plus que jamais essentiel !

L’incertitude  des salariés quant à leur maintien et leur avenir dans l’entreprise, au devenir de l’entreprise elle-même, l’évolution des structures organisationnelles, l’augmentation des familles bi-actives d’une part, monoparentales de l’autre, le nombre croissant des femmes, l’arrivée de la nouvelle génération dite Y, modifient profondément le rapport au travail.

Une double problématique apparaît. La génération dite X (35-50) qui l’avait surinvesti, en attente d’épanouissement personnel et social, se retrouve quelque peu désenchantée, avec le syndrome du «à quoi bon !» ; les nouveaux  arrivants (18-34) sur le marché du travail ne veulent pas se laisser dévorer, accaparer au détriment des autres temps de la vie !

L’entreprise, elle, est exigeante. Elle veut plus que le contrat de base- un emploi, un travail fait contre une rémunération .Elle attend des salariés … motivés, qui mettent du «cœur» à l’ouvrage, mettent du «leur» voire «se donnent à fond» alors que règne en parallèle la culture de la performance, du résultat et de la rentabilité sur fond de changement permanent.

 

La principale question, donc, que  se pose tout manager, dans un « contexte épouvantail » reste bien «comment mobiliser et impliquer mes équipes quand tout s’emploie à les démotiver » …

 

Le manager est triste, hélas et a lu tous les livres !

Pardon à  Mallarmé pour cette paraphrase approximative ! Mais quand toutes les techniques, les lois, les ficelles managériales échouent il faut peut être revenir à l’essentiel, à l’humain et au savoir être.

A quoi servent livres et stages sur le QE si c’est pour oublier que la motivation est  une émotion, qu’elle relève de l’affect voire de l’affectif.

Or  l’humain, par ailleurs complexe est assez simple en matière de motivation fondamentale.

En fait il est binaire ; dans une situation donnée il tend à  2 choses : éviter la douleur et rechercher le plaisir. Pour éduquer, dresser, apprivoiser… ont sait bien  à quel point plaisir, récompense et joie fonctionnent mieux que souffrance, sanction et peur. Il n’y a guère qu’en entreprise visiblement, que l’on doute encore.

 

Le plaisir c’est sérieux ?

Aux USA  où le rapport au travail est  plutôt  pragmatique l’idée du plaisir fait son chemin, le «fun» a la côte !

- 2 spécialistes en organisations sociales, Herrbach et Lerat Pyrak  dans le cadre d’une recherche sur les liens entre implication et émotion au travail ont  réalisé  une étude auprès de cadres d’entreprises française et fait apparaître que la «fréquence d’affects positifs favorisait … le  plaisir au travail et l’implication organisationnelle. Ils concluent  « que le plaisir …peut constituer une base au développement d’une nouvelle gestion managériale davantage orientée vers le respect de l’individu…. vers une nouvelle conception du vivre ensemble.

De même que le sourire est l’élément le moins cher de la satisfaction client, le plaisir peut être un levier motivationnel au meilleur rapport efficacité/prix !

 

Génération Y  - plaisir XL

Avec l’arrivée de la génération Y précédemment évoquée - la question du plaisir- 40% des actifs français à l’horizon 2015, demain-  semble être très  pertinente . Ces jeunes adultes, pour lesquels « les pairs sont plus importants que les pères »  selon la formule de Pascale Weil ont désinvesti ou plutôt  déclassé la valeur travail  au profit de la qualité de vie, de la sphère privée et du fun. Ils  recherchent les « entreprises où il fait bon travailler ». Nombre  d’entreprises  conscientes de l’impact d’une telle réputation pour recruter et fidéliser cherchent à se faire reconnaître, « labelliser »  comme telle. Pas des entreprises  en plein délire new age non des sociétés cotées en bourse

Une entreprise où il fait bon vivre c’est une société « où les salariés ont confiance dans leur encadrement, sont fiers de leur travail et de leur entreprise et peuvent travailler dans une ambiance conviviale avec des collègues qu’ils apprécient.

 

«The Great Place to work »

Depuis plusieurs années l’institut  sus nommé, présent dans 46 pays dont la France, observe et analyse les pratiques managériales en place, récompense les meilleures initiatives en faveur des salariés, établit un palmarès des entreprises où il fait bon vivre.

Les entreprises sont volontaires, doivent remplir un bulletin de participation. Les évaluations sont  faites à partir des déclarations, anonymes et confidentiels, des salariés  via un outil d’analyse le « trust index »

Les entreprises lauréates afficherait une augmentation notable de leurs bénéfices annuels, une baisse du turn - over volontaire et une meilleure cotation en bourse !

 

Les sources  du plaisir : grands et petits !

Maintenant que le plaisir est posé comme une piste sérieuse, que faire ?

Il est clair que le plaisir ne se décrète pas ! C’est une résultante !  Quelque chose qui relève de l’attitude et du savoir être pas de «trucs» artificiels. Tout ne se vaut pas.  Il y a des grands plaisirs et des petits plaisirs. Les grands sont  fondamentaux comme un socle  mais les petits sont essentiels, ce sont eux qui font le quotidien, ce quotidien qui est le pire tue l’amour et peut être le pire tue –motivation  ou le meilleur ciment !

 

Les « grands » plaisirs

5 facteurs principaux  sont avérés porteurs de satisfaction et de plaisir au travail. On voit qu’il n’est pas  question de transformer l’entreprise en Club Med mais d’attachement aux valeurs

La fierté. de l’appartenance et du travail bien fait. Etre fier de travailler pour une entreprise, pour ses valeurs,  sa renommée, ses succès, ses pratiques managériales, être fier de faire partie de ce service  à la pointe de l’innovation , de cette équipe si soudée et performante…

Sentir que l’on maîtrise  ce que l’on doit faire, qu’on a les compétences de le faire et les moyens de le faire bien et d’être assuré, rassuré sur ces 4 points.

Le sens. Il donne le sentiment  de servir, d’être utile, d’apporter quelque chose, d’œuvrer et pas pour rien. On a sa place, un rôle à jouer ! Si l’on est un maillon, il a sa force et son importance dans la continuité de la chaîne !

La reconnaissance. C’est probablement  le besoin majeur pour sentir que l’on est un «capital» et pas une «variable d’ajustement», un pion interchangeable. Elle donne le sentiment  d’être bien traité, considéré, respecté. Loin de l’indifférence, du mépris, de la condescendance.

La confiance. En sa hiérarchie  et de sa hiérarchie, pour maintenir le cap ;  la base d’un respect mutuel qui suppose présence, soutien, accompagnement  et un minimum d’autonomie

Le lien. Les relations interpersonnelles sont une raison  concrète et quotidienne pour se rendre au travail avec plaisir. C’est ce qui fait dire «nous» .Il est question de partage, d’échanges, de complémentarité, de solidarité, de convivialité, d’aventure humaine.

A contrario le plus dur à supporter est le sentiment d’hostilité permanente, de compétition interne, d’agressivité larvée …  ou pas.

Concrétiser ces grands facteurs de plaisir passe d’abord  par la mise en œuvre – effective-  des basiques managériaux.

 

Les petits plaisirs

Ce sont eux qui vont permettre, comme vu plus haut, de favoriser l’expression d’affects positifs, d’ajouter ce petit supplément d’âme, » la human touch » et qui passent par des choses simples !

Pour commencer se reconnecter physiquement  loin de la connectique justement  et miser sur la présence et la proximité.

Ensuite  intégrer à son vocabulaire 3 mots magiques : bonjour, félicitations ou bravo, merci.

Dites bonjour vraiment à ceux qui vous entourent ; demandez leur si ça va bien et … attendez la réponse ! Faites un compliment sincère sur leur look, leur forme, leur travail, leur rôle … Plutôt que d’appeler du parking avec votre portable, attendez d’être dans les bureaux pour brieffer votre assistante ou votre collègue. Plutôt que d’envoyer un mail à votre voisin de bureau, allez lui dire de vive voix. Des félicitations par mail perdent 80% de leur impact. Retrouvez les yeux dans les yeux, les poignées de main, les tapes sur l’épaule, les face à face qui  deviennent plus facilement des « côte à côte ».

 

Reconnaître les compétences est un minimum mais le « plus » c’est de reconnaitre les talents de ses collaborateurs. Le management des talents, branche émergente en RH  n’est pas le sujet ici. Il est question des talents originaux, à connaître et souligner, ce qui fait dire, «ça c’est pour  Pierre» ou « heureusement, pour  ça  on a Nathalie !» Débrouillardise, esthétisme, diplomatie, convivialité, critique constructive…Le Mac Giver de l’équipe et son intelligence pratique, le GPS humain qui se repère et vous guide au fin fond de la Corrèze comme à  Tombouctou, le Géo Trouvetout qui … trouve tout,  l’avocat du diable qui met le doigt sur les points faibles et les fait dépasser, le GO qui fluidifie et anime l‘organisation sur un salon ou d’une réunion, celle qui est capable d’un mot d’un geste de faire fondre la banquise, celui qui peut vendre des glaces en hiver, le boute en train qui sait d’une pirouette alléger une ambiance, désamorcer  une explosion, l’esthète qui fait des présentations superbes et met la forme au service du fond…

 

Introduire de la convivialité. Toute société, tout groupe se structure et se fédère autour de rituels, de moments collectifs ;  créez les vôtres, vos rituels plaisir.

On sait bien l’importance de la machine café dans la vie de l’entreprise; pause café améliorée pots hebdomadaires ou mensuels, repas en commun mensuels ou trimestriels, organisation de tournois ou de fête surprise. Pas question de choses formelles et coûteuses ; du simple, du joyeux , du « bon enfant »;  bière et tournois de fléchettes ont fait la fortune des pub !

Bien sûr  il s’agit d’invitation pas de convocation, rien d’obligatoire ;  pas un pensum  supplémentaire mais des occasions  de rire ensemble sous le  signe de la  liberté de la convivialité. Persistez, peu à peu les réticents du début viendront à cette «place to be» !

NB : Une ambiance conviviale n’exclut pas les désaccords, les différences de points de vue, les « engueulades » mais elle  favorise leur expression sereine, permet une confrontation constructive au lieu de dégénérer en conflit ravageur.

 

Accepter le rire

Comme le plaisir dont il est une manifestation, le rire semble souvent déplacé en entreprise, futile et  contreproductif. Excitation bénéfique, soupape, détente expresse, anti- stress, le rire est surtout  créateur de lien, abolisseur de distance, libérateur. Rire entre collègues est  fédérateur. Rire avec son supérieur aussi ; un supérieur qui rit avec ses salariés ne «se la joue pas». Bien sûr il s’agit de rire «avec» et non pas de rire «de».

Recueil de perles, anecdotes amusantes, des grandes gaffes .... donnent matière à rire franc, comme les blagues de votre raconteur maison !

Il faut aussi  laisser sa place à l’humour … Sans aller jusqu’ à imiter certaines entreprises américaines qui ont mis en place des salles d’humour, animé par des consultant en humour. Bénéfique ; il permet de prendre du recul, de dédramatiser.

Un  psychologue suisse (W Ruch) spécialisé sur le sujet  a démontré que traiter une situation avec humour permet de mieux la surmonter.

Certaines entreprises l’ont compris ! Qui font appel, pour une convention, un séminaire à des troupes d’acteurs qui mettent en scène les travers et défauts rencontrés en interne. Une forme de décalage salutaire pour rire de soi, ensemble et repartir du bon pied.

 

Matérialiser les moments forts et agréables, garder en des traces visibles…  pour alimenter et réactiver le plaisir initial, un effet « madeleine de Proust : photos, coupes, livres d’or, cartes postales, articles de presse …

 

Adopter petit pas et petites victoires

Il est prouvé que les petites victoires sont réconfortantes et stimulantes ! Mieux vaut 10 petites joies qu’une seule grande. «Paris ne s’est pas fait en un jour» mais c’est fait ! pareil pour votre Objectif, The big one ! Découpez  le en objectifs intermédiaires et profitez, ensemble, de la joie de chaque palier atteint !   Tremplin pour le suivant !

 

Introduire de la liberté

Il est établi que  sentir que l’on a le pouvoir d’influer sur des aspects de sa vie, même minimes a un impact considérable  sur le bien être et le plaisir, donne un sentiment agréable de contrôle et de liberté,  celui de ne pas être asservi.

A chaque fois que c’est  possible laisser le choix.  Mobilier, appareil, tenue laisser choisir le modèle, la couleur, la forme…

 

Introduire de la souplesse et de la flexibilité

Tout ce qui tourne autour du temps, des horaires  est  fort  et mérite réflexion! Pouvoir commencer  plus tard ou plus tôt permet d’éviter les bouchons et le stress du retard, l’angoisse de rater la sortie de l’école ou l’horaire de la nounou,  de trouver une place sans « tourner » 1 heure, faire sa pause au gré de sa fatigue ou de son appétit …

Les mesures en la matière rentrent dans une problématique plus vaste qui est celle de l’équilibre des temps de vie.

 

Favoriser l’équilibre vie professionnelle, vie privée

C’est une demande lourde actuellement  et en corollaire une préoccupation importante des entreprises. Elle  s’inscrit  dans la lignée des lois portant sur l’égalité professionnelle et se concrétise par un nombre de signatures d’accords en croissance et la mise en place de charte type « care for people » ou charte de parentalité., « frendly family »

Littérature, sites, modèles abondent et sont de nature à inspirer les intéressés

C’est le pari de la qualité sur la quantité, permettre aux salariés de maximiser leur temps de présence : 100% de cerveau disponible,100% concentrés,  tous les neurones au garde à vous!

 

Chantal Desjardins
chantaldesjardins@free.fr

 
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